Interview dans le magazine A Jour

22 septembre 2015 Line Dutoit Choffet

Interview dans le magazine A Jour

La translucidité de la porcelaine pour évoquer la disparition et le souvenir

ajour[Interview parue en septembre 2015 dans le magazine A Jour de Swissceramics]

Depuis une dizaine d’années, Line Dutoit Choffet poursuit sa quête de la finesse et de la translucidité de la porcelaine. Dans son atelier de Châtel-sur-Montsalvens, en Gruyère, la jeune femme de 36 ans travaille sur les notions de disparition, de souvenir et de mémoire…

Comment en êtes-vous arrivée à vous intéresser à la translucidité de la porcelaine?
Lorsque j’ai commencé mon activité indépendante en 2001, après mon diplôme à l’Ecole d’arts appliqués de Vevey, j’ai beaucoup utilisé la porcelaine de coulage pour mes pièces utilitaires. Peu à peu, j’ai réalisé des objets de plus en plus fins. Et j’ai commencé à travailler sur la translucidité de la porcelaine pour une commande de plusieurs lampes. En 2005, j’ai appris le procédé du paper-clay – l’ajout de fibres de cellulose dans la barbotine – et j’ai développé une technique personnelle à partir de mes premières expériences.

En quelques mots, expliquez-nous votre technique…
Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, je n’emploie pas la technique du transfert, mais je me situe dans la tradition de la lithophanie. Dans un premier temps, je choisis une photographie en noir et blanc qui me permette de sélectionner des tons clairs, des tons moyens et des tons foncés, un peu à la manière de la sélection en sérigraphie. Je les reporte au crayon et je découpe des pochoirs aux ciseaux, dans la veine de l’artisanat du papier découpé en Gruyère et dans le Pays-d’Enhaut. Ensuite, je travaille ma plaque de porcelaine à l’aide de ces pochoirs en creusant ou en ajoutant de la matière.

Quelles ont été vos sources d’inspiration?
Pour mes premières lampes appliques en 2006, j’ai réinterprété en porcelaine des images célèbres de l’histoire de la photographie: le Clair de lune d’Edward Steichen, une Fenêtre de Josef Sudek, le Jardin du Luxembourg d’Edouard Boubat ou des Pins d’Hiroshi Sugimoto. Suivant que je travaille ma plaque au recto ou au verso, je peux jouer avec des formes nettes ou floues, comme sur les photographies. J’aime aussi le fait que ces pièces changent totalement d’aspect et qu’elles racontent une autre histoire lorsqu’elles sont éteintes ou allumées. Puis, au bout d’un moment, j’ai eu envie de passer à la troisième dimension. J’ai alors mis au point un système pour réaliser des grands bols. Pour cette série, j’ai choisi des anciennes photographies de femmes, car j’avais envie d’interroger la notion de présence/absence de ces dames d’un autre temps. Elles sont décédées depuis longtemps, leur image s’efface peu à peu, les souvenirs liés à elles s’estompent. Sans lumière, l’intérieur de mes bols est parfaitement blanc. Ce n’est que par translucidité que l’on découvre l’image formée par le décor créé sur les parois extérieures.

Vos créations sont à la fois très contemporaines et souvent en relation avec le passé…
Parce que je suis très nostalgique (rires)! Plus sérieusement, j’ai très récemment pris conscience que mon expression tournait souvent autour de la question de la mémoire, du souvenir, de la disparition. Durant longtemps, je traitais ces sujets sans vraiment m’en rendre compte, de manière très spontanée. Maintenant, j’essaie davantage d’avoir ces notions à l’esprit dès le début de mes réflexions, dès la conception de mes pièces.

Vous avez récemment expérimenté la grande dimension…line_portrait
En 2013, j’ai créé deux pièces importantes pour moi, mes Ecrans porcelaines. C’était un défi technique de réaliser des plaques les plus grandes possible (la limite étant la grandeur d’un grand four à gaz). Crues, elles mesuraient 80 x 100 cm. Mais surtout, elles ne sont épaisses que de deux millimètres! Je n’aime pas les manipuler, car elles semblent tellement fragiles. Hormis le défi, elles sont importantes pour moi en raison des images qu’elles portent: la démolition de mon ancien atelier où j’ai travaillé près de dix ans et une vue d’un amas d’ordinateurs obsolètes. J’avais envie d’aborder la question de l’effacement de la mémoire, de la vulnérabilité des objets que l’on investit et des lieux où l’on habite.

Quelle est votre actualité?
Je suis très heureuse que ma dernière création ait été sélectionnée par le concours du Musée de Carouge, en septembre 2015. Elle est l’objet d’une collaboration avec le photographe Emmanuel Gavillet, qui produit en général des images très détaillées. Mais, après ma réappropriation, sa vue est devenue presque abstraite… En outre, j’ai mis au point un nouveau prototype de support en métal muni de LED, qui fait de mes lampes des objets design. Sinon, cinq de mes Bols lithophanies ont récemment été acquis par la ville de Bulle et seront bientôt montrés au Musée gruérien. Deux autres sont actuellement exposés au Musée de Westerwald, à Höhr-Grenzhausen (Allemagne), avant de partir pour le Musée de Siegburg en 2016. Et j’utilise de plus en plus mon site internet www.linec.ch comme la première vitrine de mon travail.

Durant votre parcours, à quel genre de choix avez-vous été confrontée?
A la sortie de l’école, j’ai eu la chance de trouver un emploi de maître socioprofessionnel dans un atelier de céramique pour personnes en situation de handicap. En parallèle, j’ai commencé mon activité indépendante à mi-temps. En 2006 et 2010, j’ai eu le bonheur d’avoir des enfants. Mon travail d’atelier s’est réduit, car je voulais passer du temps avec eux, et se posait alors la question de conserver une certaine sécurité financière. Du coup, j’ai été obligée de me concentrer sur ce qui me plaît le plus dans la céramique. J’ai pu consacrer davantage de temps à chacune de mes pièces. J’ai pu expérimenter, sans avoir la pression de dégager un revenu à la fin de chaque mois. Finalement, j’ai réussi à conserver une petite production – ce qui n’est pas toujours facile à expliquer aux galeristes – que j’ai toujours eu la chance de vendre assez rapidement. En revanche, je ne suis jamais parvenue à faire une grande exposition personnelle, car je n’ai jamais assez de pièces en stock…

Avez-vous des regrets par rapport à vos choix?
Non, tout ce qui occupe mon temps est essentiel pour moi. En revanche, le fait de ne pas consacrer tout mon temps à la céramique m’oblige à faire des choix. Je sais que je ne peux pas postuler – par exemple – à certaines résidences à l’étranger. Et je ne participe pas à beaucoup de concours, car je ne saurais pas comment transporter mes pièces. Certaines sont si fragiles que je n’ose pas les envoyer par la poste…

Quels sont vos projets futurs?
J’aimerais concrétiser mon projet Les plus rares fleurs de Baudelaire, que je décris sur mon site internet. Mon idée est d’interroger la question du motif décoratif, souvent géométrique, symétrique et répétitif. J’avais envie de créer mon propre ornement. Pour ce projet, j’ai sacrifié les pages de mon édition des Fleurs du mal, avec lesquelles j’ai façonné plusieurs centaines de cocottes en papier. J’ai toujours été très attirée par la technique du pliage, inspirée des origamis japonais. J’ai ensuite photographié le motif original formé par l’amoncellement de ces pliages. Avec l’abstraction liée à ma technique, ces origamis ressemblent à des fleurs…

Lichtdurchlässiges Porzellan
zur Beschwörung von Erinnerung und Untergang

 

Seit ungefähr 10 Jahren beschäftigt sich Line Dutoit Choffet mit der Erzeugung von immer dünnwandigerem und lichtdurchlässigerem Porzellan. In ihrem Atelier in Châtel-sur-Montsalvens im Greyerzerland versucht die 36-jährige Künstlerin, Begriffe wie Erinnerung, Andenken und Untergang keramisch umzusetzen.

Wie sind Sie dazu gekommen, sich mit der Lichtdurchlässigkeit von Porzellan zu beschäftigen?
Als ich 2001 nach meinem Abschluss an der Kunstschule Vevey begann, mich selbständig zu machen, habe ich für mei- ne Gebrauchskeramik-Stücke viel mit Giessporzellan gearbeitet. Mit der Zeit habe ich immer dünnere Sachen gemacht. Und dann habe ich für einen Auftrag von mehreren Lampen damit begonnen, die Lichtdurchlässigkeit von Porzellan zu be- arbeiten. 2005 habe ich mir dann das Paperclay-Verfahren (Zugabe von Zellulose in die Porzellanmasse) angeeignet und nach den ersten Erfahrungen eine persönliche Technik entwickelt.

Erklären Sie Ihre Technik in wenigen Worten…
Ganz im Gegensatz zu dem, was manche Leute denken, arbeite ich nicht mit Schie- bebildern, sondern verstehe mich eher als der Tradition der Lithophanie zugehörig. Zuerst nehme ich ein Schwarz-Weiss-Foto, das mir ermöglicht, helle, mittlere und dunkle Töne auszuwählen, ein wenig wie bei der Farbauswahl im Siebdruck. Diese übertrage ich dann mit Bleistift und schneide mit der Schere eine Schablone aus, im Sinne der Technik des Papier-Scherenschnittes des Greyerzerlandes und des Pays-d’Enhaut. Dann bearbeite ich meine Porzellanplatte mit Hilfe dieses Stencils, indem ich Material entnehme oder hinzufüge.

Welches waren Ihre Inspirationsquellen?
Für die ersten Wandleuchten 2006 habe ich berühmte Bilder aus der Geschichte der Fotografie in Porzellan bearbeitet, wie z.B. die Aufnahme Weiher-Mondlicht von Edward Steichen, ein Fenster-Bild von Josef Sudek, den Jardin du Luxembourg von Edouard Boubat oder die Kiefer-Bilder von Hiroshi Sugimoto. Je nachdem, ob ich meine Platte auf der Vorder- oder Rückseite bearbeite, kann ich mit scharfen oder verschwommenen Formen spielen, genau wie auf dem Foto. Auch gefällt mir der Um- stand, dass diese Leuchten, je nachdem ob sie ein- oder ausgeschaltet sind, völlig anders aussehen und eine völlig andere Ge- schichte erzählen. Nach einer Weile wollte ich zur dritten Dimension übergehen. Ich habe dann ein System ausgeklügelt zur Herstellung von grossen Schalen. Für diese Serie habe ich alte Fotos von Frauen ver- wendet, denn ich wollte den Begriff der An- oder Abwesenheit dieser Damen aus einer anderen Zeit hinterfragen. Sie sind seit langem tot, ihr Bild verblasst zusehends, die mit ihnen verbundenen Erinnerungen schwinden mehr und mehr. Ohne Licht ist das Schaleninnere vollkommen weiss; erst mit der Lichtzufuhr wird das vom Dekor auf der Schalenaussenseite geformte Bild sichtbar.

Ihre Arbeiten sind sehr zeitgenössisch, zeigen zugleich aber oft eine Verbindung zur Vergangenheit…
Weil ich sehr nostalgisch veranlagt bin (lacht)! Nein, im Ernst, ich bin mir erst vor kurzem bewusst geworden, dass sich mein Schaffen oft um die Frage der Erinnerung, des Andenkens, des Verschwindens dreht. Lange Zeit arbeitete ich mit diesen The- men ganz spontan, ohne mir dessen wirklich bewusst zu sein. Inzwischen versuche ich jedoch, diese Begriffe gleich zu Anfang meiner Überlegungen, sobald die Stücke konzipiert sind, bewusst im Sinn zu haben.

Sie haben sich vor kurzem an grosse Ausmasse gewagt…
2013 habe ich zwei für mich sehr wichtige Werke geschaffen, die Porzellanbildschirme. Es war eine echte Herausforderung, Platten in einer maximalen Grösse (die Limite lag bei den Ausmassen eines grossen Gasofens!) zu bearbeiten. Unbearbeitet massen die Platten 80×100cm. Aber vor allem waren sie nicht dicker als 2mm! Ich mag sie gar nicht in die Hand nehmen, sie wirken so zerbrechlich. Abgesehen von der technischen Herausforderung sind mir diese Arbeiten auch wegen der angebrachten Bilder wichtig, nämlich einmal der Abriss meines ehemaligen Ateliers, wo ich beinahe 10 Jahre gearbeitet habe, sowie ein Haufen von überholten Computern. Ich wollte die Frage nach der schwindenden Erinnerung behandeln, die Frage nach der Hinfälligkeit der Dinge um einen herum sowie der Orte, die man bewohnt.

Wie sieht es zurzeit für Sie aus?
Ich freue mich sehr, dass meine letzte Arbeit für den Carouger Museumswettbewerb vom September 2015 ausgewählt wurde. Das Werk entstand in Zusammenarbeit mit dem Fotografen Emmanuel Gavillet, der im Allgemeinen sehr ins Detail gehende Bilder macht. Nach meiner Bearbeitung des Fotos wirkt das Bild jedoch beinahe abstrakt… Dazu kommt, dass ich einen neuen Prototyp von Metallhaltern mit LED entwickelt habe, der meine Leuchten zu Design-Objekten macht. Ansonsten hat die Stadt Bulle kürzlich fünf von meinen Lithophanie-Schalen erworben, die in Bälde im Musée gruérien ausgestellt werden. Zwei andere dieser Schalen sind derzeit im Keramikmuseum Westerwald in Höhr-Grenzhausen (D) zu sehen; 2016 werden sie im Museum Siegburg gezeigt. Ausserdem dient mir meine Internetseite www.linec.ch immer mehr als Schaufenster für meine Arbeiten.

Mit was für einer Art Entscheidung waren Sie in Ihrem Werdegang konfrontiert?
Nach Schulabschluss hatte ich das Glück, eine Stelle als Werkstattleiterin in einem Keramikatelier für Behinderte zu finden. Gleichzeitig habe ich zu 50% mit meiner eigenen selbständigen Aktivität begonnen. Zwischen 2006 und 2010 bekam ich Kin- der; ich wollte Zeit für die Kinder haben und dabei stellte sich natürlich die Frage nach einer gewissen finanziellen Sicherheit. Ich behielt also meinen Job, reduzierte je- doch meine eigene Arbeit. Von daher sah ich mich plötzlich gezwungen, mich auf das zu konzentrieren, was mir in der Keramik am meisten Spass macht. So konnte ich jedem meiner Stücke mehr Zeit widmen. Ich konnte herumexperimentieren ohne den Druck des fixen Gehalts am Monatsende. Schliesslich gelang es mir trotz des relativ langsamen Produzierens (den Galeristen das zu erklären, ist nicht immer einfach), eine kleine Produktion aufzubauen, die ich glücklicherweise immer ziemlich schnell verkaufen konnte. Hingegen habe ich es nie bis zu einer grossen Einzelaus- stellung geschafft, ich habe nie genug Stücke auf Lager…

Bedauern Sie gewisse Ihrer Entscheidungen?
Nein, alles, was meine Zeit in Anspruch nimmt, ist wesentlich für mich. Die Tatsache hingegen, dass ich nicht meine gesamte Zeit der Keramik widmen kann, zwingt mich, gewisse Entscheidungen zu treffen. Ich weiss z.B., dass ich mich für gewisse Residence-Aufenthalte im Ausland nicht bewerben kann. Und ich beteilige mich auch nicht so sehr an Wettbewerben, weil ich nicht weiss, wie ich meine Stücke transportieren soll. Einige davon sind so zerbrechlich, dass ich nicht wagen würde, sie per Post zu verschicken…

Welche Pläne haben Sie für die Zukunft?
Ich möchte mein Projekt Die seltensten Blumen von Baudelaire, das auf meiner Internetseite beschrieben wird, konkretisieren. Dabei geht es mir darum, das dekorative Motiv zu hinterfragen, das oft geometrisch, symmetrisch und repetitiv ist. Ich möchte meine eigenen Ornamente schaffen. Für dieses Projekt habe ich die Seiten meiner Ausgabe der Blumen des Bösen hergenommen und daraus hunderte von Schnipp-Schnapps gefaltet. Ich fühl- te mich immer sehr angezogen von der Technik des Papierfaltens, die vom japanischen Origami herkommt. Dann habe ich das ursprüngliche, durch die Anhäufung dieser gefalteten Papier-Schnipp-Schnapps geformte Motiv fotografiert. Dank der mit meiner Technik verbundenen Abstraktion sehen diese Origamis wie Blüten aus…